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Nuages ​​blancs

BREF AMOUR

J’ai rencontré Nicolas le lundi 29 mars 2004 dans un bar à Paris. Après une nuit passée avec lui, j’ai entretenu une correspondance par email jusqu’au lundi 19 avril, trois semaines. Je n’ai pas gardé ses emails, je n’ai gardé souvenir ni de son visage, ni de son nom. Je me souviens de la blancheur et de la douceur de sa peau. Je me suis livré et délivré totalement.

Rencontre - 30 mars 2004

Cher Nicolas,

La vie me surprend toujours au moment où je ne l’attends pas. Je suis pourtant en général sur le qui-vive, en veille de l’instant de bonheur ou d’émotion. J’essaie d’être toujours dans le moment présent. J’ai passé les dernières vingt-quatre heures dans l’allégresse du charme de notre rencontre. J’ai goûté cet état pleinement, sans vergogne. Je me suis endormi, éreinté et heureux.

Maintenant je suis dans le TGV. J’aime les voyages en train. J’ai le sentiment d’y être coupé du monde, hors du temps, des moments protégés où je regarde ma vie défiler par la fenêtre, comme sur un écran.

Je pense aux heures passées ensemble. Je retiendrais l’évidence, le corps souple et ferme qui vibre, la douceur de la nuque et des cheveux, les mots d’attention, la beauté des mains, la bouche attentive, le bien-être contre toi, la magie de la rencontre, l’intuition qui me poussa à être attentif, à reconnaître, à partager simplement l’instant.

Tu parlais de romantisme. Tu me découvres sensible aux mots, sensible aux images, sensible.

Je pense au présent. J’ai envie de te connaître. Je ne veux pas te faire peur. Je suis impatient de retrouver ta chaleur. Je suis sincère. J’ai envie de partager mon émotion, d’oser dire les sensations d’aujourd’hui simplement. Je ne pense pas à demain.

Je désire tes messages. Ou ta voix. Que me diras-tu ? Je t’embrasse.

Lundi après – 5 avril 2004

Cher Nicolas,

La journée s’est passée avec Madame Mère. Moment de grâce où je l’aide à sortir de sa déprime de fin de vie. Moment de parole où la vie se dit à travers ce lien si particulier. Moment de paix où je l’apaise puisque je suis enfin apaisé d’elle.

Par moment l’envie d’être avec toi, dans tes bras, est forte. Peut-être prendrais-je un train demain ou après-demain ?!

Une semaine. Des moments fragiles qui ont fait surgir l’espoir, je suis venu à la confiance sereine. Je me dis qu’il n’y a pas de hasard, il est des rendez-vous. Tout reste à écrire.

Je t’embrasse.

Abattu et battant. - 9 avril 2004

Je me sens abattu. Me voilà avec tout ce temps libre que je t’avais réservé. Me voilà les mains pleines de tout ce que je voulais te donner. Il va me falloir quelques heures pour reprendre pied. Mettre tout cela en attente pour une autre fois. Trouver à occuper ce présent que j’avais imaginé différent. Commencer par écrire, pour m’apaiser, pour être avec toi, un peu.

Résumé des dernières 48h. Ma mère m’a encore montré qu’elle n’avait pas besoin de moi, qu’elle voulait partir. Comme il y a 33 ans quand elle est partie un matin sans rien me dire, me laissant sans explication qui m’aide à comprendre, seul avec mon père. Comme il y a 41 ans quand elle a appris que j’allais venir et qu’elle a pleuré. Elle ne m’a jamais accueilli. Elle ne sait que m’aimer parce je suis son fils. Et moi j’ai attendu qu’elle ouvre ses bras. La blessure est cicatrisée mais quand elle appuie dessus, cela me fait encore mal.

Je passe ma vie à attendre que quelqu’un ouvre ses bras pour m’accueillir. Enfant, je rêvais d’un frère jumeau, un amour fusionnel qui me protégerait et me rassurerait.

J’ai envie d’ouvrir les vannes et de laisser sortir ce qui occupe mon cœur en ce moment. J’ai tellement donné. J’ai tellement à donner. Et te voilà. En quelques mots, en quelques gestes, en quelques actes tu sembles comprendre et recevoir. C’est nouveau. Je reste sans voix. Un espoir naît. Mon intuition me dit de ne pas négliger ce qui se passe, d’être vigilant. Et plus les appels téléphoniques se succèdent et plus la confiance s’installe au fond de moi. Je ne veux pas faire de faux pas. Je veux laisser du temps au temps. Je te fais confiance.

Tu n’es pas responsable de ma sensibilité mais j’ai envie de t’en parler. Il y a des moments où je ne sais plus gérer mes émotions. Ça déborde. Le sentiment fétiche, c’est la peur qui me terrifie.

Je suis construit, je suis posé, j’avance dans la vie. Je sais me débrouiller seul, trop même. Je suis indépendant. Et j’ai une affectivité débordante qui a besoin d’être partagé. Ma devise est : il vaut mieux aller loin avec quelqu’un que nulle part avec tout le monde.

J’ai envie de te connaître mieux. C’est tout. Je ne rêve pas. Je ne fais pas de projets. La page suivante est blanche et il s’écrira ce qui doit s’écrire simplement. Je te demande une seule chose, la possibilité d’écrire cette page car tu me sembles un trésor à découvrir.

J’espère que je ne vais pas trop loin avec ses mots. Je crois que tu me comprendras. Pense à m’envoyer des signes pour patienter.

Me revoilà battant. Le soleil brille. Tu existes. Je t’embrasse.

Après la sieste – 9 avril 2004

Cher Nicolas,

Je suis heureux de ce qui t'arrive professionnellement et je suis heureux de le partager avec toi. Bravo pour ton succès. Je crois que tu le mérites.

Depuis mon appel de ce matin, je me doutais que tu ne viendrais pas. Comment l'ai-je compris ? Bref, dans cette éventualité, je m'étais acheté le dernier roman d'Anna Galvada. 600 pages à venir. Voilà à quoi je vais consacrer mon week-end !

Si tu ne connais pas cet auteur, je te la ferai découvrir. Je t'embrasse.

Samedi, je perds pied – 10 avril 2004

Je sais que ta vie professionnelle est prioritaire en ce moment. Mais tu ne peux pas me laisser tout le temps l’initiative des échanges. Si tu as envie que la relation se construise, il y a du temps à prendre pour me donner des signes. Il me faut bien de la matière pour patienter. J’espère que tu ne joues pas. Je n’ai pas envie de jouer.

Je maîtrise mal ce qui m’arrive. Le désir est là. La certitude aussi. Mais rien pour la nourrir, que le vide et le temps à passer. J’ai le sentiment d’être débutant de moi.

Et pas encore la possibilité de t’avoir en face pour échanger, pour te toucher, pour concrétiser. Je me sens frustrer. J’ai peur. J’étouffe.

Que penses-tu ? Je le sais. Tu le dis clairement. Je te fais confiance.

Je te sais à Londres. Où es-tu ? Que fais-tu ? Où suis-je dans tout cela ? Ai-je une place ? Tu me le diras un jour sûrement.

Je t’embrasse.

Dimanche, je reprends pied – 11 avril 2004

Aujourd’hui la journée s’annonçait vide, à remplir. La voilà finalement pleine, pleine de moi.

J’essaie d’agencer joliment les mots. Pour faire passer un sens. Tu es sensible à l’écriture mais à l’histoire ?

Je crois que oui. Mon esprit raisonnable l’entend. Mais le sentiment n’est pas raisonnable et il me jette dans des tourments. Je ne peux me contenter de sucer mon pouce. Je ne te connais pas donc je n’interprète pas les faits. Mais je me livre totalement et demande du respect.

Résumé de la plénitude du jour : je suis allé rendre visite à mon père dans son si joli cimetière. Je lui ai proposé une balade, celle de son village, celle que l’on a fait si souvent. Le soleil est clair. Le vent fort. La flore revient à la vie et la garrigue est en fleur. Je frotte mes mains avec du thym comme il aimait le faire. L’odeur. Je marche d’un pas régulier et je le sens derrière moi. Il est là, aimant et rassurant. Puisses-tu trouver un jour cet apaisement dans le souvenir de ton père ?

Je me suis senti plein de tout ce qu’il m’a donné, de tout ce que je suis. J’ai envie de t’emmener voir mon monde, j’ai envie de t’emmener au bout de mes rêves.

Je t’embrasse.

Lundi, je fais un pas de plus – 12 avril 2004

Cela fait aujourd’hui 15 jours. Bien sûr je sais que depuis tu es dans ce tourbillon professionnel, que tu te construits ta cabane. Bien sûr je sais que depuis je suis seul face à moi-même avec tout mon temps pour penser. Alors je me dis qu’il me faut être vigilant pour deux, que c’est à moi d’alerter. Alors voilà je crois qu’il est temps de te dire, ne soit pas distrait. Je suis là. A deux, c’est plus facile. J’ai besoin de toi.

Je crois aux fées, aux farfadets, aux anges gardiens. Le mien me dit d’avancer, comme dans la chanson, il me répète : « Il n’est pas de hasard, il est des rendez-vous, pas de coïncidence. » Alors je passe outre les principes, ma lâcheté, mon amour propre et je me dis que je ne veux pas de regrets, pas me dire un jour que je suis passé à côté parce que je n’ai pas fait tout ce qu’il fallait.

Derrière tes mots qui racontent tes souffrances, je sens maintenant la carapace dont tu t’es enveloppé. Je peux entrapercevoir les cicatrices. Et je me dis que sur cette coquille, il y a bien une main à prendre. Je la cherche. Et si tu l’agitais cela me rendrait la tâche plus facile.

Bien sûr, il y a un risque, il y a des choix, il y a des changements à pratiquer, des deuils à faire, du temps à prendre et à donner. Il y a aussi à recevoir, à découvrir, à prendre.

Vendredi soir, je suis prêt à te rejoindre soit à Paris soit à Bruxelles. Je me dis que si l’on ne se rejoint pas là, on ne se rejoindra jamais. Que je continuerai ma route, plein de ces trois semaines qui m’auront ouvert à l’autre. Et cela sera bien même si le désir sera frustré, même si la peine sera là. Même si tout cela sera banal et aura un goût d’amertume. Je continuerai d’y croire.

Mais comment savoir ce que sera vendredi. Pour l’instant c’est aujourd’hui. Et aujourd’hui, je me pose, pour te laisser venir à moi. Tu sais très bien où je veux t’emmener.

Ne te cache pas, dis ta vérité. J’essayerai de la comprendre. Tu es libre de dire alors prend cette liberté et ne me laisse pas poursuivre sans rien.

Il n’y a pas de temps à perdre. La fin peut être là demain. C’est maintenant. Je chante de jolis mots. Et l’abeille fait « Bzzzz » et les oiseaux « Cui Cui ». Alors répond moi avec tes mots, les tiens. Ils seront toujours bien. Tel je te veux.

Je t’embrasse.

Fin de monologue – 19 avril 2004

Et que penser de tes paroles jamais en accord avec tes actes ?

Bien sûr tu es désolé, bien sur ton avenir professionnel est prioritaire pour toi, bien sûr c’est la chance de ta vie. Bien sûr.

Bien sûr j’ai toujours été réaliste. Bien sûr j’ai toujours voulu jouer ce jeu. Bien sûr.

Cela n’excuse en rien ton inélégance, ta lâcheté et ton manque de respect.

Finalement je me suis trompé sur le talent et le panache de mon partenaire. Tu es passé à côté d’un beau partenaire. Fin de partie.

Je ne t’embrasse plus.

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