
DEVENIR SOUVENIR
A Pauline
LILLE
J’ai quitté mon boulot, j’ai quitté l’appartement lié à cette histoire ancienne, j’ai quitté la ville où je me sentais chez moi, je suis parti.
J’ai saisi l’opportunité d’un poste. J’ai dit oui à une ville de bonne réputation. J’ai acheté une voiture pour pourvoir me sentir libre. J’ai trouvé un appartement clair et proche de tout. Je me suis installé, enfin, j’ai mis en place mes trajets maison-travail, mes meubles, mes objets, mes vêtements. J’ai organisé un quotidien, des rituels, un fauteuil où s’asseoir, une chaise où manger, un lit où dormir, un miroir pour se regarder. J’ai fait tout ce qu’il fallait pour me rassurer.
Et puis la réalité m’a rattrapé. « Partir c’est un peu mourir » dit le proverbe. C’est aussi vivre, revivre, la vie avec ses fins et ses recommencements. Comment font ceux qui échappent à cette réalité du rien ne dure, tout recommence, sans rien épargner au passage du temps. Comment font ceux qui ne touchent à rien toute une vie, des compromis sans doute, des mensonges à eux-mêmes et aux autres, des illusions pour ne pas voir leur réalité.
Le onze Novembre, je suis assis sur ce bout de canapé. Il fait gris, la pièce est remplie d’une lumière blanche d’hiver, le ciel est bas. Je vois le beffroi de la mairie avec sa lumière qui tourne en vain. C’est comme un phare mais il n’y a pas de bateau, que moi à la dérive. Je me demande de laquelle de mes victoires je dois me souvenir. J’ai un travail, j’ai un appartement, je suis en bonne santé. J’ai 58 ans et je suis seul.
Ma vie a pris un tournant, un de plus, j’ai perdu ma route. La bonne direction est à retrouver. Alors je me souviens.
SE SOUVENIR
Une image, une voix, un goût, un rituel, un évènement symbolique, nos souvenirs sont ancrés dans notre mémoire. Ils nous façonnent, nous marquent, nous tracent, nous devancent, nous présentent, nous représentent.
Avec le temps, ils se polissent, se lissent, s’embellissent, les plus chauds sont plus beaux, les plus durs sont plus loin. Certains sont précis, clairs, criants, comme présents. D’autres sont flous, sensations, fugitifs.
Ils deviennent notre histoire, nos valeurs, nos fondations, tout dépend qu’ils soient moments de bonheur ou périodes de souffrance. Nous les considérons comme notre vérité, nous sommes sûr de leur réalité.
Certains ont une confiance absolue en leur mémoire, d’autres sont plus méfiants, chacun croit, personne ne sait.
Et puis un jour, nous retrouvons un ami, un parent et les mémoires se racontent. Et nous découvrons que les souvenirs sont divergents, que les évènements ne sont pas exactement similaires. Notre vérité n’est pas la vérité. Notre esprit nous a joué des tours, notre subconscient nous a protégé, gravant dans notre disque dur les éléments, les images, les symboles qui dans le contexte du moment nous permettent de traverser les évènements de la vie sans disjoncter. C’est à savoir pour ne pas se leurrer.
La vie est dans le moment présent, l’avenir est inconnu, le passé aussi. Il nous reste des photos qui fixent un instant, un instant de vie mais un instant mort. Dès que l’obturateur se déclenche, l’instant n’est plus, disparu à jamais. Il ne reste que l’image qui est image, seulement et éternellement une image.
Pourtant ces souvenirs sont là et lorsque que nous aurons disparu, ceux qui se souviendront de nous, continueront à nous faire vivre par-delà notre mort. Alors chérissons nos souvenirs car même s’ils sont incertains ou mensonges, ils nous content, racontent, décompte.
Se souvenir, c’est vital.
PLAGE
Je plonge ma main dans le sable chaud pour trouver la fraicheur. Je prends une poignée. Les grains glissent entre mes doigts, laissant ma peau sèche et douce.
Je suis couché nu sur ma serviette. J’ai seize ans. Il est 11h30. Je sens les rayons du soleil d’été sur ma peau. J’aime la lumière du matin à la plage. La mer n’y a pas le même bleu. Elle n’est pas loin, va et vient sur la grève, chanson d’eau qui arrive à mes oreilles.
J’entrouvre les paupières. Je vois le ciel bleu à travers mes cils et je vois les poussières dans mes yeux, monstres biologiques, qui tels des microbes du minuscule, envahissent ma vision. J’essaie de regarder le soleil, sa lumière blanche m’éblouit.
Je sens l’air sur ma peau, les poils de mes bras se dressent, essayant de protéger mon épiderme de la déshydratation. Je perçois le mouvement de mes testicules dans le scrotum, mon corps cherchant à les laisser à la température de trente-six degrés.
J’entends mon cœur, pompe infatigable et fiable, qui maintient la circulation. Je ressens presque le fluide sanguin qui parcourt mes artères. Une odeur marine sature ma respiration, entêtante et enivrante.
Je suis dans l’instant. Je suis posé. Mon esprit est clair et libre. Mon âme se détache et s’élève. Je vois mon corps sur la serviette sur la plage au bord de la mer. Tel un drone, ma pensée monte à la verticale. Je vois le paysage qui s’éloigne, la région, le pays, le continent et enfin la planète. Je prends conscience de ma présence dans l’univers, de ma petitesse, de mon infime présence dans l’échelle du temps qui passe, de mon insignifiante influence dans l’histoire de l’univers.
Et puis je reviens à moi, à mon présent. Je pense à ma vie future, mes rencontres, mon métier, mes réalisations, mes apprentissages. Rien ne se concrétise dans ma tête parce que je ne sais pas. Je ne sais pas ce que sera cet avenir.
A cet instant, je suis heureux. J’atteins la plénitude. Je me sens léger. Je souris un peu. Tout est là en même temps, le vent, le sable, la mer, le bruit, l’odeur, mon corps, mon esprit, mon âme.
Ce moment s’est gravé en moi. Dans les moments de doute, les périodes de dépression, quand je sens que je pars à la dérive, je pense à ce moment, je viens m’y ancrer parce que c’est l’instant de l’ultime bonheur qui me comble et me permet de me retrouver.
TRICOT
Une maille à l’endroit, une maille à l’envers, mon travail avance et chaque rang est un peu plus de chaleur à venir qui monte.
Quand j’ai décidé de me lancer dans la réalisation de ce pull des îles Kerguelen, je n’imaginais pas la difficulté de l’ouvrage. J’ai pourtant consulté le professeur Violet, cet ethnologue qui a compilé dans son livre, tous les points réalisés par les marins de cette région.
Je les imagine l’hiver au coin du feu, croisant les fils à l’aide des aiguilles et créant ce vêtement de laine qui feutrera aux embruns et les protègera des frimas de la mer. Un labeur de patience qui, augmentation après augmentation, rang après rang, fabriquera un tissu de laine.
Mais dans chaque maille, il y a de la patience, de l’espoir, du courage, de la volonté, de l’amour, des intentions fortes qui forcement accompagneront le pêcheur dans la rudesse de son métier.
Et celui pour qui je tricote en ce moment, le sait-il tout ce que je lui transmets ? tous ces sentiments qui se nouent dans ces mailles. C’est beau ce travail parce qu’il est fragile, tout semble tenir pourtant le fil n’est pas fixé, une maille lâche et tout le pull se détricote.
C’est comme la vie, les évènements s’enchaînent et tout peut se défaire à tous moments.
Et je pique l’aiguille et je passe le fil, je m’éponge le front et je recommence sans fin, toujours, encore sans me lasser et je vois l’amour que je porte, que je tisse, qui apparaît, dans le dos qui monte, la manche qui se forme, l’encolure qui se dessine. Je ne négocie pas ma peine, je fais, je défais, je refais pour aimer, aimer encore, aimer toujours.
VINCENT
Je pense à toi. Je pense à toi souvent. Je vois tes yeux, tes beaux yeux bleus et toute la sensibilité, la timidité, les tourments que je vois dedans. Nous sommes assis sur le canapé. Tu t’es blotti contre moi, j’ai mis mon bras autour de tes épaules. Je sens ta chaleur, je sens les battements de ton cœur, je sens ton regard sur moi, ta tendresse, ton amour, ton besoin d’être rassuré. Je vois ton visage qui me sourit. Je vois cette mimique du « Chat botté » que tu prends quand tu veux me séduire parce que tu sais qu’elle me fait fondre, quand tu veux vérifier, espiègle, la mesure de mon affection, parce que cela t’apaise, parce que c’est ta manière de me dire que tu m’aimes.
Je pense à ce moment, souvent, moment répété, moment de notre quotidien et il me manque terriblement.
Est-ce cela l’amour entre deux personnes ? un regard, une chaleur, une respiration, une odeur, un instant d’affection, de tendresse, de complicité qui unit, qui rassure, qui élève.
J’ai toujours su sur ce canapé que je vivais des instants rares et forts et je n’ai pas su les préserver. Je n’ai pas mesuré leur valeur et le besoin que j’en avais. J’ai donné de l’importance à des choses qui ne sont pas essentielles.
J’ai mélangé les regrets du passé et les envies de l’avenir, je n’ai pas su voir ce présent. Je n’ai pas vu notre amour avec clairvoyance. J’ai été égoïste, j’ai confondu besoin et désir, je n’ai pas été juste avec toi, avec moi, avec nous. Rien ne sert de se blâmer, je ne peux que constater. Je t’ai laissé partir, je me suis éloigné, tu t’es égaré, nous nous sommes perdus.
Alors je suis là, les mains vides, le cœur gros, la tête pleine de ces instants avec toi et je pense à toi.
MONIQUE
Elle prend le rouleau de cellophane. Elle en déchire un morceau adapté à la dimension du saladier. Elle tire sur les bords pour le faire adhérer au pyrex. Elle range la pâte à crêpes au réfrigérateur. Elle va la laisser reposer un temps. Elle file dans le séjour. Elle s’assoit dans son fauteuil. Elle visse une cigarette qu’elle allume au coin de sa bouche. La fumée s’élève.
Une mèche jaunie de ses cheveux caractérise l’addiction. Le velours vert des accoudoirs est usé, là où se posent les bras. Elle a croisé les mains sur ses genoux. Ses doigts jubilent comme d’impatience. On sent, par ce tic, qu’elle contient toutes les émotions de sa vie. Elle est immobile, le regard fixe, impassible en apparence. Le balancier de la pendule oscille et seul le tic-tac vient perturber le moment.
Son regard fixe le vide à travers la fumée qui se disperse. Une cendre tombe sur son chemisier. Elle est en elle. Elle est apaisée ou tourmentée ou les deux. Seuls les pouces s’agitent, témoins d’un stress, d’une angoisse, comme s’ils cherchaient à effacer, on ne sait quoi, c’est son intime.
Ma mère est ainsi, seule avec elle-même.
Elle se lève, retourne à la cuisine. La poêle sur le gaz est déjà brulante. Le beurre est posé sur le rebord de l’évier. Elle sort le saladier de pâte. Elle ouvre la plaquette délicatement du bout des ongles. Elle coupe un morceau, une brume grasse s’élève brutalement stoppée par la louche de pâte. Avec dextérité, le coup de poignet répartit la pâte uniformément. Ses pouces s’agitent maintenant sur la manche de la poêle. Elle a toujours son mégot au coin des lèvres.
Les crêpes seront délicieuses. Nous mangerons face à face, avec peu de mots, ceux du quotidien qui racontent ce que l’on sait déjà. Nous ne nous dirons rien vraiment, rien de ce qui compte, pas par pudeur mais parce que ma mère s’est refermée sur elle-même depuis longtemps.
Et je suis resté longtemps à observer sa solitude.
ROSE
Mon souvenir c’est la douceur de sa peau, peau de la main, peau des joues. Une peau vieillie, une peau usée par les années, une peau qui n’a gardé que le meilleur pour laisser les rugosités de la vie ailleurs. J’adorais caresser la peau de Rose. Elle était joliment fripée, un peu brillante tellement elle était lisse et fine. J’aimais lui prendre la main, une main noueuse, je n’ai jamais connu Rose qu’âgée. Sa main était rassurante, maternelle. Je caressais sa joue aussi, douce comme de la soie, j’y déposai un baiser et son parfum m’enivrait. Je revois aussi ses pieds, un peu déformés, mais avec cette même peau soyeuse, je les trouvais si beaux.
Rose n’était que bienveillance pour moi, ses yeux bleus très clair m’enveloppaient d’un regard d’amour. Elle était investie en moi et je le ressentais de tout mon cœur, de tout mon corps, de toute mon âme. Elle s’inquiétait de mon bien être, de mon épanouissement et surtout de mon avenir. Elle savait qu’elle ne pourrait pas être présente pour tous les événements importants de ma vie et ça la rendait inquiète et triste. Elle me le disait et je ne mesurais pas la valeur de ces sentiments. Je ne voyais pas combien ils m’ont porté. Rose m’aimait et me le disait par sa peau, par ses mots, j’étais sa prunelle.
Elle a terminé sa vie dans un hospice où elle perdait sa tête et devenait incohérente, repliée sur elle-même et sur ses souvenirs, j’imagine. Je suis venu l’y voir. Quand j’arrivais, je la trouvais assise dans un fauteuil trop grand, le regard dans le vide. Elle tenait sur ses genoux son sac à main, dernier symbole de la femme qu’elle avait été. Je m’approchais, elle levait ses yeux d’opale vers moi et dans l’instant, l’affection revenait. Elle ouvrait alors son sac, il était vide et d’une petite poche fermée d’une fermeture éclair, elle sortait une petite photo de moi à dix ans. Elle me disait « tu vois, tu es là, toujours ». Puis elle retombait dans son monde parallèle et l’échange s’arrêtait là mais combien il était suffisant. Et ce rituel se répéta à chaque visite. Il y en a eu peu, Rose est partie vite.
Ma grand-mère reste la femme de ma vie, celle qui m’a investi, qui s’est inquiétée, qui voulait mon bien et qui m’a donné tant de tendresse, tant de caresses, tant d’allégresse.
Et là dans l’instant, je ressens encore la douceur de sa peau dans ma main, la douceur de son regard sur moi, la douceur de son amour dans mon cœur. C’est délicat, bienveillant, aimable, patient.
Et je mesure combien cette bonté est essentielle à ma vie.
MARCEL
Je suis assis sur ses genoux. Ma tête est posée sur sa poitrine, j’entends son cœur qui bat doucement, je sens son corps chaud. Mes bras entourent son torse et je m’y accroche comme à une bouée, comme à un rocher. Je sens sa force, et ses muscles qui vibrent. Sa main caresse mes cheveux et ma nuque. Ce mouvement est doux, protecteur, amoureux. Il a entamé un balancement d’avant en arrière, il me berce. Je me laisse aller au mouvement. Et puis la chanson rituelle arrive, il la murmure au creux de mon oreille. « Câlin, calinette, câlin, calinou », la mélodie est simple. La ritournelle soufflée et répétée, chant rituel qui me transporte dans un monde de paix. La chansonnette, le balancement, la chaleur de la peau, les caresses amoureuses apaisent mon esprit.
Je suis craintif de tout et surtout des autres. J’ai l’appréhension de parler en classe. J’ai la crainte dans la cour de jouer avec les garçons, leurs jeux me semblent violents, je n’en comprends pas les règles. Je préfère les jeux des filles. Je n’ai pas de copain, que des copines. Et je suis souvent seul même.
Entrer dans un commerce pour acheter la plaquette de beurre que ma mère m’a demandé, est une épreuve et je vais passer plusieurs fois devant le commerce avant d’oser pousser la porte de la petite épicerie. Ensuite je rentre en courant, serrant fort ma victoire contre ma poitrine. L’épicière m’a encore dit : « Et qu’est-ce qu’elle veut la petite fille ? » Je n’ai pas osé la contredire. Je ne comprends pas cette confusion de genre. Elle m’isole.
A la maison, je me réfugie dans des jeux solitaires, je me raconte des histoires où je suis un prince. J’ai toujours l’inquiétude de déranger par trop de bruit. Souvent je me pose sur le canapé, je me balance d’avant en arrière contre le dossier et je me fredonne des chansons, je me sens bien dans ce comportement qui m’exclut de cet environnement familial. Je suis arrivé par accident, une erreur de courbe de température. Je me fonds dans l’existant sans que rien ne me donne vraiment une place dans la fratrie.
« Câlin, calinette, câlin, calinou » J’ai sept ans et là dans les bras de mon père, je trouve une place. Longtemps je lui tiendrai la main, même adulte, parce que cette simple main chaude me donnait du courage.
Et cette main me manque encore aujourd’hui.
CORBEAUX
Quand j’étais enfant mon père me faisait croire que le serpent avait des pieds, des pieds rétractables, des milliers de pieds rétractables comme l’escargot d’ailleurs. Lorsque je voyais le serpent onduler sur le sol, oui nous avions des serpents, mon père les adorait, et souvent un sortait de son vivarium pour faire une petite balade.
Donc lorsque je voyais le serpent onduler sur le sol du séjour, j’imaginais les milliers de petits pieds rétractables qui s’agitaient furieusement sous lui. Je pensais que les serpents avaient un problème de coordination droite gauche, d’où les ondulations et non une marche rectiligne. A ce titre, l’escargot me semblait plus abouti comme animal car il marche droit. Ou alors je me disais que c’était parce qu’il était plus lent, il avait le temps de corriger sa trajectoire. J’étais fasciné par le monde animal.
Mon père me disait aussi qu’il y avait des corbeaux avec une musette en cuir qui distribuaient le courrier. J’étais septique. La difficulté, me disait-il, est de les voir. Nous passions des dimanches assis dans la campagne à observer le ciel et le vol des oiseaux. Le silence était de mise. Bien sûr, il en voyait toujours quand je n’étais plus attentif. Mon esprit vagabondait et mon regard toujours attiré par le sol. J’adorais les cloportes, je les trouvais beaux avec leur gris brillant. Mon père me disait « Ils sont faciles à dompter, regarde ». « Mettez-vous en boule » disait-il d’une voix grave, il approchait son doigt tendu, effleurait l’animal et le cloporte se mettait en boule. Je me laissais convaincre avec facilité aux facéties de mon père. Son monde m’enchantait, il me faisait rêver.
Je n’avais plus peur de rien et aujourd’hui encore quand l’angoisse vient, je cherche dans le ciel un corbeau avec une musette en cuir qui m’apporterait un message de mon père. Mais non, il ne vient pas. Alors je regarde le serpent qui ondule et emporte avec ses milliers de pieds rétractables les rêves de mon enfance.
La seule chose vraie dans cette histoire, c’est que l’imaginaire l’emporte sur la peur et qu’il est bien de croire que son père a toujours raison.
DOMINIQUE
Dis-moi Petit !? Tu viens de ce pays où ne vivent que des cailloux, des genêts et des chênes verts. De ces montagnes arides où le vent joue à décoiffer les sommets.
Les gens disent que c’est un pays peuplé uniquement de pierres et que les pierres n’ont pas d’âme.
Il est vrai que certaines pierres bougent ; comme celles qui boulent dans le chemin sous le pied hasardeux du promeneur, celles qui roulent dans les rivières pour raconter à celles de la vallée ce qui passe dans les montagnes ; ou bien celles qui s’échouent sur les plages amenant d’autres rivages des histoires sur les pays lointains. Il y a aussi celles des montagnes qui craquent et grondent quand le froid et le vent les embêtent. Il y a aussi celles qui farnientent au soleil et se font dorer au fond des cagnards.
On m’a pourtant dit qu’une d’entre elles avait été dotée de pouvoirs qui lui auraient été donnés par les sages des collines. Une pierre qui a survécu au feu de sa naissance, qui aurait boulé, roulé et malgré le dicton, aurait amassé un tas de connaissances, de sagesse et de gentillesse. Une pierre qui donnerait de l’amour sans en attendre en retour. Elle est joyeuse, bonne vivante et bourrée d’humour. Une pierre presque parfaite sur laquelle il est bon de construire sa maison. Une pierre exceptionnelle en fait.
Dis Petit !? Tu la connais-toi cette pierre ?
Oui, je la connais. Le caillou dont tu parles … c’est mon frère PIERRE.
Comment ne pas se souvenir de ce texte, encore, maintenant et toujours. Mon frère me l’a offert à l’occasion de mes 32 ans.
Il reste le plus beau témoignage d’amour que l’on m’ait écrit. Je le relis, toujours ému, dans les moments d’égarement et je retrouve un sens à ma vie.
RÉGINALD
96 minutes que je sens ton regard sur moi. Je vois tes yeux qui brillent et ta bouche qui me sourit. Tout ton visage sourit. Les années vont passer et ton visage va s’imprimer souriant, là sur le front, et là au coin des lèvres. 96 minutes que je vois que tu me plais.
57 ans seulement et toutes ces années à vivre encore, à aimer encore, à recommencer toujours. Les années sont passées et j’ai l’envie de continuer, de recommencer des histoires de vie, des histoires d’amour.
Pour 10 000 petits soleils qui brillent dans tes yeux, je suis reparti avec 10 000 petits soleils au fond de ma poche. J’ai fait 10 000 pas pour calmer mon esprit et 10 000 répétitions pour graver ce moment.
96 particules particulières précisément précipitées, 96 particules de phéromone qui m’ont fait chavirer et me laissent ce soir charger de joie.
Donc avec 7 jours de réflexion, on devrait s’en sortir, rester dans l’instant, ne pas s’emballer, ne pas extrapoler, juste rester centrés sur ces 96 minutes à se regarder.
Et nos 100 grammes d’humour, qu’est-ce que tu en fais, ceux qui permettent la dérision, le recul et de garder la distance.
96 regards pour tomber en amour et qu’un baiser de toi pour changer ma vie.
SÉBASTIEN
Quand il sourit ses yeux se brident et juste une petite lueur brillante entre ses cils vous confirme que le reflet de son âme est toujours là. Il vous sourit et tout son corps sourit. Il a un corps puissant, bien construit, sculptural. Il a travaillé ce corps à force d’entrainement mais la nature l’a bien doté. Une puissance se dégage et vous rassure parce que cette force est protectrice. Au travers de son regard vous voyez sa gentillesse, sa douceur, sa bienveillance. Cet homme ne se dit pas, vous le ressentez. Cet homme est un équilibriste, il est à la frontière entre force et douceur, une verticalité entre le corps et l’âme. Cet homme est un acrobate, il enfourche sa moto et debout sur sa machine, en équilibre, il tourne, il vire tel un danseur. Il fait des figures élégantes et légères. Il fait glisser l’engin avec grâce, puis le cabre sur la roue arrière. Il est debout sur la selle les bras en croix, flottant au-dessus du bitume, tel un oiseau. Agile, rapide, aérien cet homme vole alors que la mécanique vibre, fume, hurle dans une forte odeur de gomme brulée. Et dans ce ballet à deux, s’opposent douceur et force. Cet homme a trouvé son expression. Il s’est beaucoup acharné, il est beaucoup tombé, il a recommencé, malgré les bleus, malgré les chocs, malgré les blessures. Il est tenace, il est têtu, il est buté. Il veut prouver qu’il est capable et montrer aussi avec subtilité sa sensibilité.
Cet homme est beau et complexe, fort et délicat. Il aime protéger les autres, il veut être présent pour eux, il ne veut pas les inquiéter, il a peur de décevoir. Cet homme est tiraillé entre son désir et sa volonté. Il veut être pris et donner. Il veut prendre et recevoir. Mais concilier les deux est difficile alors il part, il s’oublie pour protéger les autres.
Et il remonte sur sa moto, sans se plaindre, avec passion et il essaye et essaye encore, avec entêtement, pour trouver l’équilibre, la position ou la moto et l’homme, en équilibre ultime, vont exprimer la nature même de Sébastien.
Quand il sourit ses yeux se brident et semblent se fermer. Pourtant toute sa bienveillance vous atteint au fond de votre âme. Son regard se cache parce qu’il est pudique. Il se protège derrière ses paupières, pas de vous mais de lui. Cet homme cherche encore l’équilibre entre sa force et sa sensibilité, entre son besoin et son désir, entre sa part de lumière et sa part d’ombre.
J’ai connu cet homme, j’ai fait un bout de route avec lui, nous avons chevauché nos vits, partagé beaucoup de force et beaucoup de douceur, comme si de rien n’était et pourtant tout était là.
GAELLE
Cela fait dix-sept ans que nous nous téléphonons pratiquement tous les jours de la semaine. Amis de communication nous sommes. Nos smartphones s’accouplent tous les jours. Un rituel quotidien qui nous lie du lundi au vendredi. Cela peut durer vingt minutes comme plusieurs heures. Finalement elle est la personne avec laquelle j’ai le plus parler dans ma vie. Nous avons dépassé les quatre milles heures de bavardage, de discussion, d’écoute, de partage d’opinions, de soutien moral, d’affection, de critiques. Nous nous connaissons, nous nous respectons, nous nous aimons.
Peu de personnes autour de moi savent ce rituel. Nous nous appelons souvent le matin dès huit heures pendant le trajet vers notre travail. Quand nous changeons d’emploi, l’un ou l’autre, le rite coutumier est perturbé et une période de calage s’impose pour retrouver une place familière à l’échange quotidien.
Ainsi nous nous parlons sans nous voir, une relation d’écoute, oreillette coincée dans les oreilles, qui nous permet de vaquer en compagnie de l’autre à nos occupations, les plus banales comme les plus sérieuses, voire les plus intimes mais après dix-sept ans, la pudeur a disparu entre nous.
Elle est une grande bavarde et moi aussi. Nous nous confions tout, nos humeurs, nos joies, nos tristesses, nos colères, nos peurs. Nous partageons toutes nos expériences de la vie, tous nos rêves, toutes nos croyances. Nous nous confrontons, nous nous épaulons, nous nous retrouvons dans l’amour que nous avons de notre prochain. Nous connaissons nos familles, nos histoires, nos succès, nos échecs, nos lâchetés. Nos parcours se suivent, s’assemblent, se ressemblent.
Nous avons des codes. Chantal, Léon, George, Brigitte nous accompagnent dans nos verbiages. Annie Garnier, Noël Mallet et Monsieur Vayssette sont les personnages d’une série dans laquelle nous avons joué. Le chakra de la terre sera toujours présent à la fête à la saucisse comme les quenelles à la béchamel et la rate au court bouillon. Nous avons le choix dans la date pour que copain et copine se disent bonjour. Les filles aux ongles courts adorent les rouquins. Et Zazie toujours nous console.
Nous vivons une amitié à l’état pur, pure de sens, une amitié brute pleine de douceur, en proximité, en toute proximité que nous soyons dans des pièces voisines ou à des centaines de kilomètre. Nous sommes hors de l’espace, nos voix sont quelque part dans la stratosphère au cœur du satellite qui fait la liaison. Nous sommes en pleine conscience l’un de l’autre, nous sommes comme la conscience de l’autre, comme son ange gardien. Nos voix viennent du ciel, au creux de nos oreilles et racontent tous les jours la valeur de notre lien, de notre amour. Ces coups de fils sont devenus des coups du destin, indispensables à notre équilibre, indispensables à notre bonheur.
J’espère que nous nous appellerons longtemps encore parce que pour moi le nomade, ma Gaëlle est un point d’attache qui me relie et qui m’équilibre.
PAULINE
Quand elle me dit bonjour, elle me prend dans ses bras, elle me serre fort contre elle, dans cette force, il y a tout son amour et toute son affection. Et ça me fait du bien. Elle met sa tête dans mon cou, elle rit un peu du plaisir des retrouvailles, je sens son parfum. Et cette fragrance m’apaise. Ensuite elle me dit, « je suis trop contente de te voir ». Et je sais que c’est vrai.
On est de la même famille même si sur l’arbre généalogique nous sommes sur des branches bien éloignées. Un frère et une sœur nous ont permis de vivre et de nous rencontrer. Elle est ma petite, petite cousine, il y a bien un rameau entre nous. Un rameau d’olivier sans doute parce que cette terre du sud nous lie aussi. Alors qu’importe les distances, les années, l’âge, nous sommes proches naturellement et surement parce que Marcel et Simone s’aimaient.
Elle est vive. Elle est solaire. Auprès d’elle, vous avez chaud au cœur et sur les selfies à ses côtés, il me dit que je rayonne et que j’ai l’air apaisé. Et je sais que c’est vrai.
Nous parlons d’amour.
L’amour familial qui nous habite, nous a construit, nous a nourri, nous a marqué de vieilles cicatrices que nous arborons comme des décorations. Sur sa branche de l’arbre familial, les hommes sont absents ou partis ou morts. Les hommes manquent. Comme un symbole, une image, une réalité je suis l’homme qui comble le manque. Comme un père de substitution.
L’amour des hommes qui nous fait vibrer tous les deux, nous fait espérer, nous torture dans de vieux combats. Nous discutons nos hommes, avec doute, certitude et sincérité. Comme de jeunes amoureux.
Nous parlons du cœur, celui qui bat fort car nous sommes sensibles, celui qui cogne quand nous sommes en colère, celui qui tremble quand nous sommes tristes, celui qui vibre quand on aime, celui qui s’affole quand on ne sait plus et cœur à cœur, cœur contre cœur nous parlons et parlons encore pour nous livrer en toute confiance.
Nous sommes deux êtres qui se chérissent, se dorlotent, s’écoutent et s’entendent. Il y a bien une question de sang entre nous, une histoire commune qui, de par le passé, nous lie.
Quand je la retrouve et que je la vois arrivée au loin, je souris d’aise. Quand elle est tout près, je la prends dans mes bras avec affection, j’aime sentir son corps fin et musclé contre mois. Je goûte ces instants.
Je lui réponds « moi aussi » et j’espère qu’elle sait combien c’est vrai.
ABSENCE - PRÉSENCE
Les voyages sont absents de ma vie. Pas que je n’aime pas voyager mais je n’y ai jamais pensé et comme les personnes avec qui j’ai partagé ma vie ne m’ont pas proposé de partir, je suis resté là en France ou à quelques encablures de mon domicile. Je n’ai jamais fait plus de trois heures d’avion. A y réfléchir, cela ne me manque pas, je n’en vois pas l’utilité. Je n’ai pas le goût des terres lointaines, je préfère le rêve. J’ai visité mon pays par contre, il est beau et les gens que j’y ai rencontré mon comblé. J’ai déménagé vingt-trois fois dans treize villes. La découverte est souvent toute proche.
Les photos sont absentes de chez moi. Je n’affiche aucune photo, de famille, de compagnon, de vacances. Je ne l’ai jamais fait dans aucune de mes vingt-trois adresses. J’ai réalisé cela un jour. Ce n’est pas une décision plutôt une évidence. Je ne m’entoure pas de ces images de vie, petits instants de bonheur que beaucoup affectionnent. Je me demande bien pourquoi les autres font cela. Ça doit les rassurer, je suppose, moi ça m’angoisse. Même chez les autres, voir des photos, souvent intime, me gêne, me met mal à l’aise. L’exposition rend banal ses souvenirs de bonheur. A savoir quelle est ma logique. Mes photos sont dans un album que l’on regarde avec un ami en toute confidence, partage solennel de joie du passé.
Les plantes sont absentes de mon intérieur. Elles le sont depuis vingt-cinq ans, depuis le jour où mon père s’en est allé. Il n’y a pas eu de cause à effet. Là aussi, aucune décision, plutôt une manière de se délester, de retirer toute vie. Avant j’avais toujours des plantes vertes, qui poussaient bien, une jolie collection. Je les ai offertes à Marianne, comme cela, sans raisons, pour faire de la place. Et depuis je n’en ai plus. Parfois des amis m’offrent des plantes. J’en suis heureux. Dans un temps plus ou moins long, elles meurent malgré mes bons soins, sans prévenir, sans raisons. Symboliquement, il n’y a rien de vivant chez moi. Le vert, je l’aime en pleine nature.
J’accroche toujours des rideaux à mes fenêtres, à toutes les fenêtres. J’épate mes proches. J’emménage et deux semaines plus tard, les rideaux sont posés. Sans tenture, une pièce est nue, elle s’habille en voilant ses ouvertures. Alors bien sûr après vingt-trois déménagements je possède beaucoup de rideaux, plusieurs cartons. J’aimerais avoir pleins de fenêtres pour les pendre tous et me souvenir de toutes ces pièces où j’ai été heureux.
J’ai toujours dans mon frigo un litre de lait, six œufs, deux cent grammes de lardons, une plaquette de beurre, deux cent grammes d’emmenthal râpé, un oignon. J’ai toujours dans mon placard de la farine, du sucre, de l’huile, du sel, du poivre. Si des amis arrivent, je pourrai toujours improviser, une omelette, une quiche ou des crêpes. Une bouteille de vin rouge fait aussi partie de cette intendance de convivialité.
Je n’ai jamais vécu sans un livre, une télévision et un poste de radio. Ils me sont indispensables. J’ai à cœur de garder une porte ouverte sur le monde, sur les autres pour m’évader, me ressourcer, rêver, comprendre, apprendre, partager, recevoir, grandir, rire, pleurer, aimer.
RACINES
Les racines de l’arbre, les racines des dents, les racines de l’homme, celles qui se plantent dans la terre, dans la chair, dans son cœur. Et souvent je me demande où est la souche qui a porté les raisins de ma vie.
Il y a cette terre du sud, avec son accent, ce soleil envié, cette mer qui ne se retire pas. Cette ville et ses rues connues où je ne me perds pas, dont je connais les noms, chaque coin rappelle un souvenir, tel un rhizome qui parcourt la carte de ma mémoire.
Il y a cette capitale, si belle avec ses monuments, dont tous les lieux racontent l’Histoire, où je me suis senti chez moi à la première visite. J’en connais, là aussi, le nom des rues, des places. Je pourrais réciter son métro, radicelles de la ville, sève de vie qui ne nous met jamais très loin de notre destination. Elle a été le bulbe de ma vie où j’ai fleuri en toute saison.
Il y a ces hommes qui ont partagé mon lit et parcouru un bout de chemin. Chacun a semé sa graine dans le terreau de mon cœur et chacun a su y laisser sa spore que j’emporterai dans le jardin d’Éden.
Il y a cette famille qui malgré la friche de son histoire, reste le potager où j’ai muri. Il y a surtout la génération qui suit, qui arrose mon sentiment de paternité et m’offre la meilleure place, les pieds à l’ombre, la tête au soleil, au cœur de leur amour.
Il y a ces amis, amis de labour, amis de semence, amis de récolte, ceux avec qui j’ai partagé les frimas de l’hiver, j’ai ramassé les feuilles mortes, j’ai respiré des senteurs fleuris, j’ai goûté les fruits du partage. Je pourrais les citer, égrener leur visage, cueillir leur sourire, dessiner les jardins de nos histoires. Ils sont mes tuteurs, ceux qui me permettent de rester droit et de m’élever à chaque rencontre vers les cieux.
Et puis il y a cette plage, celle du début, je sais où elle est, à Sérignan plage, elle n’a pas changé, littoral protégé qui depuis quarante ans est resté, la grève où je me suis échoué, ancré, enraciné.
La retraite s’approche et je commence à me demander où je vais installer le jardin de ma vieillesse, à l’ombre de quel arbre vais-je me reposer. Et je n’arrive pas à le planter ce verger, ni dans un lieu, ni proche des uns, ni contre des autres, peut-être à mi-chemin, mi ombre, mi soleil, peut-être à la campagne, peut-être à la mer, surement proche de mes racines mais lesquelles.
PEUR
Faut-il que j’apprenne à vivre seul, à accepter un quotidien de solitude et chercher à trouver une joie de vivre dans un ordinaire non partagé ? Je ne parle pas de la solitude d’être de notre condition mais de la solitude du faire. Être seul avec soi-même est facile mais vivre sans l’addition des émotions, sans le regard de l’autre, sans une main tendue ou tenue m’est impossible. La vie est à deux, sinon elle n’est pas.
Et j’ai peur de l’avenir, j’ai peur que les traces de la vie me rendent méchant, j’ai peur de ne plus me réveiller au côté de la chaleur de l’être aimé. Je suis anxieux que le hasard ne fasse pas bien les choses. J’ai l’inquiétude de ne pas trouver le bon couvercle et de rester une casserole vide. Ce vide résonne dans ma tête et m’assourdit. L’écho de mes blessures raisonne, me prend l’esprit et je divague. J’ai peur du vide et de l’espace. Je me sens au bord du précipice et je me demande qui sera celui qui va me retenir et m’apaiser.
Ce matin, c’est le premier jour de l’été, le soleil brille. Les couleurs sont enfin chatoyantes. Je pense à ceux qui sont partis, qui m’ont aimé et que j’aime toujours dans mes souvenirs. Je pense à ceux qui sont là depuis longtemps, les fidèles que je sais pouvoir appeler toujours et encore. Je me rappelle combien ils sont chers à mon cœur. Je pense aux derniers arrivés, brèves rencontres marquantes ou déjà assidus de mes sentiments et de mon âme qui vont s’ancrer dans ma mémoire. Je pense à tout ce passé qui s’accumule, à ces moments qui s’écoulent trop vites, à ce chemin parcouru plus long aujourd’hui que le chemin à parcourir.
Ce matin, tout cela m’apparaît beau et chaud, comme l’instant sur la plage du début où le sable doux coulait entre mes doigts. Je ne connais toujours pas l’avenir mais qu’importe. La vie a été jusqu’à maintenant bonne, conne aussi, morne parfois, forte, trop ferme, en berne mais toujours là. Finalement la vie est venue à moi pour ma plus grande joie. A l’avenir, les souvenirs vont me permettre de devenir un homme libre d’être heureux.
ROUTE
Il décida de partir loin. La route est sinueuse, la route est belle, la route conduit loin. C’est la nuit, il cligne des yeux pour chasser le sommeil. Cinq heures que la voiture roule au hasard des routes, au hasard des embranchements. Il ne sait pas où il va mais il y va. La liberté s’est retrouvée avec joie et enthousiasme, le cœur battant, les mains moites sur le volant.
Il a décidé de laisser cette vie, il a décidé de continuer plus loin, il a décidé de construire ailleurs. Les arbres défilent au garde à vous, saluant au passage d’un bruissement de feuille la voiture qui fonce à travers la nuit.
Il ne veut plus accepter les contraintes, il veut refuser les compromis, il veut choisir de nouveaux amis, il veut rester lui-même. Un panneau indique à gauche, un panneau indique à droite, la route continue de décider de la destination.
Il est heureux, il est léger, il a tout oublié sauf de s’aimer. Le voyage est long et le voyage est fatigué. Le voyage dit à la voiture de s’arrêter et la voiture s’arrête. La campagne alentour est silencieuse mais la nuit murmure un bienvenu.
Il est assis dans l’herbe, il goûte la fraicheur, il écoute la nuit. Il s’est envolé, il n’est plus enchainé. Les feux de la voiture l’éclairent de rouge, les phares éclairent la mare verte plus loin. Il se lève, il met les pieds dans l’eau. Les pieds dansent furieusement, les bras s’agitent fiévreusement, le corps brule d’un feu intense. L’homme libère ses émotions, la nuit avale cette énergie, la nuit accueille la liberté de l’homme retrouvé.